OUVERTURE

Solstice d’été

« Seul Amine sait mes jeux, mon imitation. Seul Amine sait mes envies secrètes, des monstres dans l’enfance. Je prends un autre prénom, Ahmed. Je jette mes robes. Je coupe mes cheveux. Je me fais disparaître. J’intègre le pays des hommes. Je suis effrontée. Je soutiens leur regard. Je vole leurs manières. J’apprends vite. Je casse ma voix. »
Bouraoui, Nina (2000). Garçon manqué (p. 15). Stock.

Sol stitium, soleil stationnaire… au tropique du Cancer… l’astre roi qui s’arrête en ce mois de juin 2021 pour annoncer l’espoir… l’illusion de stabilité… et la promesse d’errance… un bel été sans masque… avec mascarade… et littérature…

Littérature et revendication, lectures amoureuses. Le Groupe HYBRIDA participe aux activités liées aux Fiertés 2021 en lisant des extraits de Les mauvais anges (1955) d’Éric Jourdan, de Le désir homosexuel (1972) de Guy Hocquenghem, de Le corps lesbien (1973) de Monique Wittig, de Dans ma chambre (1996) de Guillaume Dustan, de Garçon manqué (2000) de Nina Bouraoui, de King Kong Théorie (2006) de Virginie Despentes, de Une mélancolie arabe (2008) d’Abellah Taïa

Ce semestre de vœux et de métamorphoses qui aboutit à la publication de ce numéro 2 de la revue HYBRIDA a été spécialement intense car, grâce à une importante diffusion internationale, les portes sont désormais ouvertes à toute étude, et à toute expression artistique et littéraire, réfléchissant sur les hybridations culturelles et les identités migrantes de toute la planète, en privilégiant toujours la langue française et le contact avec les contextes d’expression et de production culturelle en cette langue. Le processus de sélection et d’expertise a été spécialement coûteux afin d’atteindre la qualité scientifique poursuivie. Il a été, cependant, très enrichissant du point de vue académique, bâtissant des ponts et tissant des réseaux entre les continents, entre les diverses traditions universitaires, entre les différentes manières de concevoir et de mettre en pratique la recherche en sciences humaines dans notre contexte globalisé. Cette ouverture au monde se traduit dans des comités vraiment internationaux et dans des contributions provenant d’Universités d’Autriche, de Belgique, de Côte d’Ivoire, des États-Unis, de France, du Luxembourg et du Maroc.

Ainsi, le Dossier que nous présentons sous le titre de MUTATIONS, coordonné par Anikó Ádám, grande lectrice et spécialiste hongroise, âme généreuse, professeure en études françaises à l’Université Catholique Pázmány Péter à Budapest, regroupe sept articles qui vont des approches culturelles aux approches purement littéraires autour de cette notion polyvalente, du point de vue générique et thématique. On y aborde les relations des auteurs et des éditeurs à l’ère du numérique ; une analyse comparative de plusieurs corps qui ont été perçus comme « illisibles » tout au long de l’histoire ; les influences de la culture française dans le conte populaire marocain ; la spectralité dans le roman contemporain en comparant les œuvres de l’auteur espagnol Isaac Rosa, de l’écrivaine afroaméricaine Jesmyn Ward et de l’écrivaine québécoise Catherine Mavrikakis ; l’intégration des applications mobiles dans la littérature gay en comparant les œuvres de l’auteur chilien Alberto Fuguet et des écrivains français Arthur Cahn et Mathieu Bermann ; les mutations du « genre » dans l’écriture autobiographique du romancier français Édouard Louis ; et, enfin, une étude sur les hybridations et les mutations formelles et thématiques dans l’œuvre de l’écrivaine belge Amélie Nothomb.

Nous avons créé une nouvelle section intitulé Mosaïque qui accueillera des articles « échappant » à la thématique centrale du Dossier, tout en se situant dans le riche domaine des hybridations culturelles et des identités migrantes. En ce sens, nous trouvons trois articles variés. Le premier s’interroge sur les raisons qui fondent la transculturalité du picaresque. Le deuxième étudie les notions d’hybridité et de transgression chez l’écrivain franco-arménien Denis Donikian. Finalement, le troisième réalise une étude comparative entre l’écrivaine sénégalaise Mariama Bâ et l’écrivaine camerounaise Djaïli Amadou Amal.

Nous inaugurons également la section Traces qui s’affirme comme une fenêtre ouverte à la création artistique et littéraire, au sens large. Nous devons exprimer ici notre plus sincère reconnaissance à l’écrivaine canadienne Lori Saint-Martin. Sa nouvelle inédite Miss Scarlet, dans la bibliothèque, avec une mitrailleuse rend hommage aux femmes disparues au cours de l’histoire, victimes de la violence domestique, ayant laissé des traces profondes dans la littérature.

Merci infiniment au directeur artistique, au comité scientifique, au comité d’évaluation et au nouveau comité de lecture. Leur patience, leur curiosité et leur générosité intellectuelle nous ont permis d’atteindre le niveau d’exigence fixé pour ce numéro, ainsi que son rayonnement.

Nouveau rendez-vous pour le numéro 3, en décembre 2021, pour un nouveau solstice, au tropique du Capricorne. Comme le disait le poète espagnol Antonio Machado : « marcheur, il n’y a pas de chemin, le chemin se fait en marchant ».

Domingo Pujante González
Directeur d’HYBRIDA. Universitat de València