« Quelle maladie sublime » : Une visite inopportune (1988) de Copi ou la « comédie de la mort »

 

Henry Ferney Vásquez Sáenz / Université de Cadix / Espagne

Le 11 décembre 1987, Copi, mourant de la nouvelle maladie qui terrorise le monde, et ayant gagné l’estime de plus d’un intellectuel, reçoit le Grand Prix de Littérature Dramatique décerné par la Ville de Paris. Malheureusement, trois jours plus tard, le 14 décembre, il décède à l’hôpital Claude-Bernard à Paris. Copi était conscient de l’arrivée d’une « visite » qui l’amènera à créer l’une de ses meilleures pièces : Une visite inopportune (1988). Dans cette étude, nous voulons commémorer, d’une certaine manière, l’ingéniosité créative avec laquelle Copi a affronté son agonie due au sida et mettre en évidence la validité d’une pièce autobiographique créée au milieu d’une maladie qui condamne les homosexuels dans les années 1980, en France (et dans le monde entier). D’abord, nous tenterons de contextualiser brièvement les premières années de la pandémie en France afin de mettre en relation cette pièce avec l’écriture du sida. Ensuite, nous analyserons les ressources dramaturgiques que Copi a utilisées avec humour pour mettre en scène « l’anniversaire de mon sida » et nous mettrons en évidence l’importance de cette subversive « comédie de la mort ».

Mots-clés : théâtre ; autobiographie ; sida ; mort ; humour ; Copi

 

1. Sida : du social au littéraire, du corps au discours

Professeur.– Vous ne songez pas à nous quitter ! La science a des exigences aussi impératives que le théâtre. Vous devriez être fier des succès répétés contre la mort dont vous êtes le héros dans ce temple de la science. Est-ce que la vraie mort qui vous guette a quelque chose à envier à la mort drapée en noir d’une scène de théâtre ? (Copi, 1988, p. 27)[1]

En 1980, l’écho d’une pandémie mortelle inconnue a commencé sérieusement aux États-Unis avec les premiers patients diagnostiqués présentant des affections pulmonaires et une baisse accrue du système immunitaire naturel. En septembre 1981, à Paris, l’hebdomadaire français Le Gai Pied[2] évoque pour la première fois l’apparition d’une maladie terrifiante que les médias appellent « cancer gay » (ou « maladie gay »), grâce à l’article informatif d’Antoine Perrouchot intitulé « Amours à risques ». Et ce n’est que l’année suivante, en 1983, que le nouveau syndrome d’immunodéficience acquise, le SIDA, est annoncé.

En l’absence de connaissance de cette nouvelle épidémie dévastatrice, les « métaphores » (Sontag, 1988)[3] utilisées ne sont pas uniquement stigmatisantes et réductrices, mais ce sont aussi des images porteuses de symboles « guerriers » qui nous font penser à une « guerre contre le sida » et, par conséquent, à la recherche incessante d’anticorps pour « Vaincre le Sida ».[4] Les réflexions de Susan Sontag tournent autour de la « métaphore militaire », car ce sont ces métaphores qui contribuent à stigmatiser certaines maladies, ainsi que les personnes atteintes (Sontag, 2021, p. 113). C’est ainsi que l’auteure s’approprie la métaphore pour libérer, en quelque sorte, le sujet « malade » de la stigmatisation sociale prétendant que le sida est en train de nous « envahir ». Pour Sontag, le corps n’est pas un champ de bataille. Les malades ne sont ni des morts inévitables ni l’ennemi (Sontag, 2021, p. 205). L’évocation des « modes de vie »[5] des homosexuels a été fondamental pour la construction des représentations du sida et a eu une influence capitale sur la médiatisation d’un discours homophobe et répressif. La communauté homosexuelle s’est ainsi confrontée à de nouvelles « menaces » : la vexation et la persécution (Sontag, 2021, p. 129). D’un point de vue social, comme l’indique Pujante González, on pourrait dire que la « société française supporte le lourd poids de la double morale concernant l’association, encore stigmatisante, entre homosexualité et sida » (Pujante González, 2017, pp. 216-217). C’est pourquoi les gays se sont retrouvés encore une fois dans l’œil du cyclone, sous le regard désapprobateur d’une société conservatrice et intransigeante qui les considérait comme porteurs d’un mal qui oscillait entre « impureté » et « contamination ».

L’association virus-sida-maladie-gay ne s’est pas fait attendre et a servi de prétexte à cette société homophobe pour semer la haine et pour répandre la peur sociale et la terreur homosexuelle dans le monde entier ; une idée que Michael Pollack (Pollack dans Pujante González, 2017, p. 217) et Jean-Yves Le Talec (2008, p. 241) qualifient d’« homosexualisation du sida »; un phénomène social complexe qui implique d’autres intérêts liés au pouvoir médico-journalistique et sociopolitique.

Le fantôme du sida, pour reprendre le titre de l’intéressant essai de Néstor Perlongher[6] publié en 1988, s’est installé comme une sorte d’ombre stigmatisante sur le sujet homosexuel. L’écrivain et sociologue argentin, mort prématurément en 1992, développe cette idée de « fantôme » et sa relation avec l’ordre de la mort et le désordre des corps (Perlongher, 1988, p. 89), suivant une perspective apocalyptique proche de celle de Sontag. En effet, tous les deux tâchent de changer les paradigmes de la maladie et d’inverser la stigmatisation qu’elle engendre. Le « fantôme » du sida trouve ainsi sa propre logique dans la peur, la menace, le harcèlement, la culpabilité, la répression du désir et la marginalisation des « populations menacées » (Perlongher, 1988, p. 89). Cependant, Perlongher insiste sur l’instable compromis entre le risque et la jouissance. L’affirmation du désir ne devrait pas être vécue, comme le veut ce qu’il qualifie d’hystérie hygiéniste, avec un sentiment de faute et de mauvaise conscience mais de joie car, à ses yeux, il serait paradoxal que la peur à la mort nous fasse perdre le goût pour la vie (Perlongher, 1988, p. 89).

Durant cette décennie des années 80 du siècle dernier, le sociologue Daniel Defert fonde AIDES (1984), ému par les conséquences de la maladie et notamment par la mort de son collègue Michel Foucault,[7] l’écrivain et épistémologue Jean-Paul Aron décide de briser le silence en révélant sa séropositivité à travers son témoignage intitulé Mon sida, publié dans Le Nouvel Observateur (1987) et l’association de lutte contre le sida est créée au sein du collectif homosexuel Act Up-Paris (1989). Comme le rappelle Élisabeth Lebovici, à la fin des années 1980, « certain.e.s artistes – au sens très large du mot – ont produit des ressources visuelles et textuelles, permettant moins de comprendre que de ressentir – et combattre – une épidémie dont les effets cumulés ont été dévastateurs » (Lebovici, 2017, p. 14). Le sida était donc considéré comme synonyme de peur, d’exclusion sociale et de mort. Cette horreur se matérialise à travers des images du corps fragilisé, vulnérable, décharné, voire mourant. Une époque où le sida était « une maladie de séniles, de cadavres imminents qui peut frapper celui qui a vingt ans. Death in life » (Bourdin dans Pujante González, 2017, p. 222)[8] et où « les sépultures se succèdent à la vitesse de la mitraille » (Lebovici, 2017, p. 188).

Les créateurs, artistes, dramaturges et écrivains ont été confrontés à deux formes de temporalité. D’une part, la réalité du présent : prévisions et statistiques mettant à jour l’évolution et la propagation de la maladie, ainsi que les conflits politiques et sociaux qui se déroulaient. Et, d’autre part, à la projection introspective de la réalité qui a stimulé l’esprit créatif pour imaginer et représenter (au milieu de cette étape « guerrière » de la lutte contre le sida et la mort) le présent inéluctable qui les opprimait. Dans l’essai Le Corps souffrant (1994) de Gérard Danou, l’auteur soutient que : « dans la décomposition du corps malade, le pourrissement, le putride, l’écriture germe et trace son sillon » (Danou, 1994, p. 127). En d’autres termes, les auteurs séropositifs qui ont osé parler de la peur, de l’horreur, du rejet social, de l’incertitude de leur existence, etc., ont recréé leur expérience du sida et se sont préparés, chacun à leur manière, à l’événement inévitable qu’était la mort à ce moment-là. Ainsi, « le sida devient […] récit et provoque l’écriture et celle-ci à son tour incite à la tentative de normalisation de l’exclusion » (Pujante González, 2010, p. 26). Il s’agit d’une façon de répondre au réel et de refléter cet acte personnel et intime qui donne un sens à l’existence incertaine de l’écrivain tentant d’esquisser son présent et un avenir que, peut-être, il ne vivra jamais. Écrire sur le sida devient ainsi un acte contestataire contre la mort, ou d’après Danou, un « travail contre la mort » : « l’écriture travaille contre la mort, et les ombres du texte écrit sont déchirées entre deux forces, l’une portant le déni de sa propre mort, l’autre, la certitude d’une mort à venir comme un destin commun » (Danou, 1994, p. 114). Ana Monléon développe cette idée en ajoutant que le sida inscrit une perspective temporelle différente car, à partir de celui-ci, une nouvelle chronologie se met en place par rapport au vécu et à l’espoir d’une écriture incertaine (Monleón, 1997, p. 75).

S’il est vrai que l’écrivain et journaliste Hervé Guibert, à travers sa trilogie À l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie (1990), Protocole compassionnel (1991) et L’Homme au chapeau rouge (1992), a été l’un des auteurs les plus représentatifs de cette période à avoir utilisé la forme autobiographique pour exprimer d’une manière plus « explicite » le sida et la certitude de la mort (Monleón, 1997, p. 74), il est également l’un des plus étudiés, voire critiqués, pour s’être concentré sur « l’amour et le sida, faisant du sida une maladie de l’amour et non pas un scandale » (Lebovici, 2017, p. 12). Nous aimerions souligner également l’importance du philosophe, essayiste et écrivain Guy Hocquenghem, qui est surtout reconnu pour être un militant influent de la libération gay et l’un des cofondateurs du FHAR en 1971. Hocquenghem est également l’auteur du Désir homosexuel (1972), un essai qui aborde la question du troisième sexe et qui est considéré comme « le premier texte terroriste » (Preciado, 2009, p. 138) entrant en collision avec le système hégémonique hétérosexuel. En ce qui concerne le sujet du sida, son roman expérimental Ève, publié en 1987, raconte l’histoire d’amour particulière entre Adam et Ève (liée également à un conflit génétique et identitaire complexe) et sa « souffrance » à cause d’une maladie mortelle inconnue qui le conduit progressivement à la mort à l’hôpital de la Pitié à Paris :

C’est curieux, à quel point la maladie change le sujet […] Mais je n’avais pas compté avec la souffrance. La souffrance. Le docteur, aimablement, m’avait assuré, à Paris, qu’en somme son but était de fournir les moyens de mener une vie à peu près normale jusqu’à…

Sa voix suspendait le mot « fin ». En attendant cette fin, j’ai souffert, dans les moments de crise, comme un damné. (Hocquenghem, 1987, pp. 170-172)

Les passages du roman mesurent progressivement l’évolution de la maladie et montrent la dégradation d’un corps souffrant et agonisant soumis à la technicité calculatrice de l’univers médical. Hocquenghem, à travers Adam et le Docteur Samael, nous invite à réfléchir sur le système immunitaire soumis au virus du sida et sur les mécanismes perturbateurs de la science pour tenter de contrer son évolution. Ainsi commence le combat mythique entre la vie et la mort, où chaque seconde presse la volonté de vivre : « Dès la première seconde de vie, je crois que le temps qui reste à vivre est inférieur au temps déjà vécu. Il se divise en deux moitiés inégales ; ce calcul approximatif m’a longtemps obsédé » (Hocquenghem, 1987, p. 264). Tout comme les sens sont stimulés à l’extrême par l’agonie du sida, le goût de la vie perdure et sommeille dans notre inconscient. Cependant, ce sont la peur et le sentiment de perte qui activent la conscience d’être en vie et la valeur du temps. Enfin, les dernières images d’Adam allongé sur son lit en attendant sa mort ont une forte valeur sémantique d’assujettissement médical et corporel, de perte et de dégradation du corps et des sens. Car la mort erre partout en attendant que le corps quitte la chambre froide de l’hôpital pour que quelqu’un d’autre prenne sa place : « On lui avait dit qu’à l’Assistance on mourait le dimanche. Les statistiques le prouvaient. Ainsi le lundi, la chambre était libre » (Hocquenghem, 1987, p. 307). En effet, une accumulation d’images insistant sur les sens génère un état d’impuissance et éveille, chez le lecteur, un sentiment particulier d’affection et de compassion envers Adam :

Il se sentait horriblement épuisé, et pensa avoir des hallucinations […] Le corps recroquevillé […] sa langue était paralysée […] un peu de liquide atteignait sa bouche […] sa main se tendit convulsivement […] la musique l’immobilisait […] les larmes se mêlèrent au sang qui coulait toujours, tiède épanchement de sa vie […] les battements de son cœur se synchronisèrent avec la batterie du disque […] une sorte de raclement lui parvenait aux oreilles […] chaque aspiration le rapprochait de la dernière, tandis qu’il sombrait dans le coma […] La musique se tut. […] À cet instant où le grand sommeil voilait ses pupilles […]. (Hocquenghem, 1987, pp. 303-307)

Hocquenghem est mort des suites du sida une année après la publication de ce roman à l’âge de 41 ans. Sa trajectoire philosophique et littéraire, tout comme son esprit révolutionnaire pour la libération du corps et de la sexualité, ont marqué cette époque mouvementée. Il était en contact étroit non seulement avec des philosophes célèbres comme Roland Barthes, Gille Deleuze, Michel Foucault ou René Schérer, mais aussi avec des réalisateurs comme Lionel Soukaz, avec qui il a tourné le film Race d’Ep (1979), inspiré de son livre Race d’Ep, un siècle d’images de l’homosexualité (1979), et avec des auteurs aussi particuliers que Copi. De cette manière, Copi et Hocquenghem étaient deux amis proches ; deux figures emblématiques des années 1970 qui ne cachaient pas leur homosexualité ; deux auteurs qui ont connu cette « osmose partielle entre l’homosexualité et la vie sociale » (Hocquenghem, 1979, p. 166) ; deux personnes contestataires qui ont pris des risques et qui, avec des approches différentes, ont eu le courage de dénoncer l’instabilité d’un système de pouvoir inefficace et obsolète qui imposait le modèle binaire du genre ; deux auteurs unis par les circonstances de la vie à une époque difficile et dans une société répressive ; et, enfin, deux auteurs qui ont su regarder en face leur maladie et avoir la lucidité de l’écrire ou de la représenter.

Voici le point d’intersection qui nous permet d’arriver au bout de cette partie contextuelle afin de la relier à l’objet particulier de notre étude. Copi a donc imaginé et écrit très tôt sur le sida, en même temps que l’a fait Guy Hocquenghem, et, un peu plus tard, Hervé Guibert et Cyril Collard.[9] C’est pour cela que Lionel Souquet affirme que l’œuvre de Copi : « n’a pas pris une ride car elle est toujours aussi « fraîchement » décapante : avec le recul, elle semble effectivement moins vieillie, plus avant-gardiste et plus complexe, que celles de certains piliers du boom dont le discours « humaniste » stéréotypé flirte parfois avec une certaine mièvrerie » (Souquet, 2020, p. 24).

2. Paris-Sida : un voyage sans retour

Copi est le pseudonyme de Raúl Damonte Botana, un auteur franco-argentin né à Buenos Aires, en 1939, et installé à Paris en 1962, jusqu’à sa mort en 1987. Son installation à Paris, et surtout sa façon particulière de caricaturer le monde et de déconstruire la réalité, n’a laissé personne indifférent : ceux qui ont travaillé avec lui (Alfredo Arias, Fernando Arrabal, Michel Cressol, Guy Hocquenghem, Jorge Lavelli, Marilú Marini, Riccardo Reim, Jérôme Savary, Lionel Soukaz…) ; ceux qui l’ont rencontré dans les rues parisiennes lorsqu’il vendait ses dessins au Pont des Arts, ceux qui ont apprécié (ou pas) ses caricatures publiées dans les pages du Nouvel Observateur, Libération, Hara Kiri, Charlie Mensuel, Charlie Hebdo, Gai Pied, Paris Match, Bizarre, Twenty, etc. ; même ceux qui se tournent vers lui avec de l’admiration pour sa versatilité à jouer comme un enfant avec les langues et les genres littéraires et pour sa façon décontractée d’imaginer la réalité afin de la transgresser et de la subvertir. Il y a, enfin, tous ceux et celles qui nous sommes intéressé(e)s à l’étude scientifique de ses dessins, ses romans, ses nouvelles et ses pièces de théâtre, de son esthétique et de son style particuliers qui imprègnent toute son œuvre : César Aira, José Amicola, Isabelle Barbéris, Thibaud Croisy, Pablo Gasparini, Raquel Linenberg-Fressard, Daniel Link, Patricio Pron, Beatriz Sarlo, Lionel Souquet, Thomas Barège, Laura Vázquez, et même Hélène Cixous, entre autres.

Copi est né au sein d’une famille bourgeoise influente dans les milieux politique et journalistique en Argentine et a baigné, comme l’indique Souquet : « dès l’enfance, dans un milieu artistique et cosmopolite, propice à la pratique du bilinguisme » (Souquet, 2013, p. 132). Son père, Raúl Damonte Taborda, était un journaliste et un homme politique qui s’est opposé au régime de Juan Domingo Perón. Sa mère, Georgina ou China Botana, a été le témoin des premiers poulets[10] que Copi dessinait à un jeune âge et celle qui l’a accompagné pour voir du théâtre indépendant à Buenos Aires lorsqu’il était adolescent. Son grand-père maternel, Natalio Botana, d’origine uruguayenne, était le propriétaire et fondateur du journal Crítica ; et sa grand-mère maternelle, Salvadora Medina Onrubia, était écrivaine, poétesse et dramaturge, mais aussi militante féministe et anarchiste, connue tout particulièrement pour sa pièce Las Descentradas (1929). Après le premier exil des Botana (1945-1955) en Uruguay, puis en France, et entre leurs allers-retours en Argentine,[11] Copi quitte définitivement Buenos Aires pour s’installer à Paris en 1962.

Dès son arrivée à Paris, Copi adopte la langue française comme moyen d’expression artistique et littéraire, sauf quelques exceptions en espagnol comme le roman La vida es un tango (1979) et les pièces de théâtre La sombra de Wenceslao (1977), Cachafaz, écrite en 1981 et publiée dans une version franco-espagnole en 1993, et Tango-Charter (1980), écrite en italien en collaboration avec le dramaturge Riccardo Reim.

La vie de Copi à Paris peut être divisée en trois périodes : les années 1960, caractérisées par une « société du spectacle » (Debord, 1967) se terminant par les célèbres manifestations ouvrières de Mai 68 ; les années 1970, encadrées par la fameuse révolution sexuelle et les mouvements de libération homosexuelle, notamment par les principes de liberté promus par le Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire (FHAR) ; et, enfin, les années 1980, marquées par l’apparition du sida et la production artistique et littéraire à caractère testimonial autour de la maladie afin de laisser en héritage aux générations postérieures une trace de la peur et de la stigmatisation que ce virus a généré au sein de la société.

Ce contexte parisien représente symboliquement, pour Copi, un champ d’expérimentation constant où il a pu tester toute son ingéniosité créatrice en tant que dessinateur, écrivain, dramaturge et acteur ; où il a pu développer ses sujets de prédilection : les conflits autour de l’identité et de la sexualité ; et, où il a pu exprimer son goût pour l’esthétique camp et le travestissement. De cette façon, on pourrait fusionner la création artistique et littéraire et le contexte historique pour les condenser en trois catégories : la production graphique, la production romanesque et la production théâtrale.[12] Comme dessinateur, Copi est surtout connu pour ses dessins des années 1960, bien qu’il ait également publié d’autres albums dans les années 1970. Sa première œuvre majeure est la création de son album le plus célèbre : La Femme assise (1964-1974). Puis, il en a créé d’autres tels qu’Humour secret (1965), Les poulets n’ont pas de chaise (1966), Copi (1971), Le dernier salon où l’on cause (1973), Et moi, pourquoi j’ai pas une banane ? (1975), Les vieilles putes (1977), Du côté des violés (1978) et Libérett’[13] (1979). En tant que romancier, on constate que sa production littéraire est particulièrement remarquable dans les années 1970 et 1980. Parmi ses œuvres les plus célèbres figurent ses romans controversés et provocateurs Le bal des folles (1977) et La guerre des pédés (1982) et sa nouvelle Virginia Woolf a encore frappé (1983). En tant que dramaturge, Copi s’est fait connaître grâce au personnage d’Evita, femme de pouvoir, provocatrice et « explosive » qui parodie la mythique Eva Duarte de Perón dans sa pièce Eva Peron (1969). Il s’agit d’une femme représentée par un homme travesti atteint d’un « cancer de matrice », mais il pourrait bien s’agir d’une femme transsexuelle travestie en première dame argentine. C’est ainsi que le nom de Copi a commencé à être connu partout dans Paris, surtout quand ce geste subversif a provoqué un attentat lors de la première représentation au théâtre l’Épée-de-Bois à Paris, en 1970.[14] Cet événement ouvre la période suivante, celle de la révolution et de la lutte pour la liberté d’expression et la révolution sexuelle, à laquelle Copi contribue par des œuvres significatives qui déstabilisent le système binaire des sexes, en abordant de manière histrionique les complexités et les conflits liés à la transculturalité, à la transidentité et à la transsexualité,[15] comme L’homosexuel ou la difficulté de s’exprimer (1971), Loretta Strong (1974) et La tour de la Défense (1978), entre autres. Dans les années 1980, dans la même perspective, des œuvres comme Tango-Charter (1980), Cachafaz (1981), Le frigo (1983) et Les escaliers du Sacré-Cœur (1986) s’inscrivent dans la continuité de cet univers subversif d’où émerge toute une pensée politique radicale face aux systèmes de pouvoir et à la nouvelle société néo-capitaliste.

C’est ainsi que nous arrivons à sa dernière création : Une visite inopportune (1988) ; « l’une des meilleures pièces de Copi » (Souquet, 2020, p. 25), une pièce écrite avec l’illusion de perpétuer le « vrai génie de la scène » (Souquet, 2020, p. 46) où il nous est montré le personnage de Cyrille qui a su combattre l’agonie provoquée par le sida et rendre digne, d’une certaine manière, sa mort. En effet, comme le souligne Bagère : « comment ne pas faire une lecture plus ou moins biographique de cette pièce […] Dès lors, comment ne pas parler non plus de pièce testamentaire ? » (Bagère, 2013, p. 159). Ce trait « biographique » et « testamentaire » a été le motif principal qui a incité l’écrivain et dramaturge uruguayen Federico Roca à écrire et à mettre en scène une petite pièce très intéressante et suggestive sur les derniers jours de Copi dans un hôpital à Paris intitulée La posteridad de las ratas (Buscando a Copi) (2008). Il s’agit d’une sorte de réinterprétation ou d’adaptation d’Une visite inopportune qui reprend les épisodes de la maladie et de l’agonie à cause du sida d’un personnage nommé Copi.

Après avoir été censuré dans son pays natal, Copi n’est jamais retourné vivre en Argentine. Son voyage à Paris a été médité et définitif. Vingt-deux ans plus tard, en 1984, l’auteur doit affronter l’épidémie du sida. La connaissance de son état sérologique représente le début d’un voyage inattendu, inévitable et définitif. Enfin, un voyage sans retour vers le gouffre symbolique de la « mort » ; ce « dernier mot – réparateur –» (Souquet, 2015, en ligne) prononcé par l’infirmière à la fin de la pièce  : « J’avais oublié que vous étiez mort ! » (p. 73) qui annonce, effectivement, le voyage vers l’au-delà ou l’entrée dans une nouvelle dimension intemporelle.

3. La grande fête : « l’anniversaire de mon sida »

« Copi n’est plus. Un trou dans le ciel, aujourd’hui gris presque blanc » (Cournot, 1988, p. 78). En 1984,[16] Copi est diagnostiqué séropositif et, en 1986, il commence à écrire Une visite inopportune. La pièce prend son sens et sa force lorsque l’intrigue est renforcée par l’arrivée d’une visite inattendue qui prédit la fin funeste du personnage principal (et celle de l’auteur). Copi a terminé la rédaction de cette pièce en 1987 et il est mort la même année à l’âge de 48 ans.

L’œuvre a été publiée à titre posthume en 1988 par la maison d’édition Christian Bourgois, dont le fondateur est resté fidèle à Copi dès le début de sa carrière artistique et littéraire à Paris, publiant une grande partie de son œuvre et entretenant une relation particulière avec l’auteur : « Je me souviens de tant de fois où nous nous sommes rencontrés, de tant de réunions dans mon bureau, du jeu compliqué, passionné et familier de nos rôles d’éditeurs et d’écrivains. Je me souviens de la voix de Copi » (Bourgois, 1990, p. 6). Cette première édition contient des textes d’auteurs tels que Cavanna, Michel Cournot, Guy Hocquenghem, Jorge Lavelli et Jacques Sternberg. Tous ont fait des louages de l’œuvre de Copi et ont mis en valeur sa façon particulière de montrer la réalité et d’inclure dans son univers tous ces êtres aussi extraordinaires que marginalisés : « immigrés, écolos, homos, zizi, herbe, exil, taule, travelos, mouise, chiens, douleur dite morale à se foutre une balle dans le crâne. Savoir vivre, humeur claire. Les rires qui font respirer » (Cournot, 1987, p. 39). Ils ont également admiré la manière dont Copi a créé un discours dérisoire sur sa propre mort :

Molière, si mes souvenirs de classe son exacts, mourut en scène en jouant Le Malade imaginaire. Copi, au contraire, est tellement vivant qu’il n’hésite pas à nous faire éclater de rire avec la plus terrible des situations, celle d’un homme, d’un malade qui voit venir la mort. Rire de tout, même de la mort annoncée, de la peste moderne, du sida, puisqu’il faut l’appeler par son nom, ce n’est pas mépriser les malades mais être victorieux contre la souffrance et la peur, la haine et l’égoïsme. (Hocquenghem, 1988, p. 81)

« L’anniversaire de mon sida » fait référence au jour où nous assistons à l’improvisation d’une fête du sida et à la théâtralisation de la mort à travers Cyrille. En effet, le personnage principal de la pièce affrontera non seulement sa maladie et son état d’agonie sur un ton ironique et avec un humour corrosif, mais il ridiculisera également sa propre mort : « Quelle charmante idée d’avoir pensé à l’anniversaire de mon sida. Comment je vais, cher professeur ? » (p. 26). Ainsi, l’ingénieuse créativité avec laquelle Copi dédramatise le thème du sida fera que la maladie, comme le signale Juli Leal, soit une étape de plus à surmonter au lieu de représenter une halte sur le chemin. Le théâtre et l’humour caustique, et fort probablement l’envie de vivre, sont les moyens qui apparaissent clairement dans cette pièce qui devient une arme contre la « pusillanimité » (Leal, 1997, p. 99).

Formellement, la pièce Une visite inopportune est écrite en un acte et divisée en trente-trois scènes. Les didascalies, inhabituelles dans le théâtre de Copi, nous permettent de recréer l’espace et de balayer visuellement la scène, limitée par une chambre d’hôpital, où les personnages de Cyrille, Hubert, l’Infirmière, le Journaliste, le Professeur Vertudeau et Regina Morti se retrouvent pour vivre un moment unique autour de l’« anniversaire » du sida de Cyrille : « Décor : une chambre dans un hôpital parisien, avec une porte donnant sur un couloir et une autre sur la salle de bains » (p. 8 ). Le temps de l’action est donc le jour de l’anniversaire du sida : un dimanche consacré au spectacle et orchestré par Cyrille pour mourir à cinq heures du soir : « las cinco en punto de la tarde » (p. 73), comme le dit Hubert en espagnol, curieusement.

C’est ainsi que Cyrille, un homosexuel séropositif, tente d’atténuer les souffrances causées par le sida en utilisant le théâtre comme le seul moyen possible de déguiser la mort et de transformer la douleur en humour. L’intrigue est simple : le jour de l’anniversaire du sida, et comme d’habitude, Cyrille est accompagné des personnes qui veillent sur son état de santé et sur l’évolution de la maladie : son secrétaire, Hubert, un vieil ami homosexuel et directeur de théâtre qui tente de le dissuader d’accepter le mausolée qu’il vient de lui acheter au cimetière du Père-Lachaise avec tout le confort possible ; son Infirmière, Mme Bongo, une femme mariée à un homme noir ; et le Professeur Vertudeau, un spécialiste du sida attiré, d’un côté, par les lobotomies et les greffes de cerveaux en plastique qui décide d’entreprendre un voyage en Afrique pour guérir d’autres malades du virus du sida, et, de l’autre, un médecin attiré et séduit par la lucidité de son patient Cyrille, le malade qui possède d’énormes compétences artistiques pour faire de son agonie un grand spectacle théâtral :

Professeur.– Comment vous sentez-vous ?

Cyrille.– Je suis très angoissé. J’ai peur de mourir sans avoir joué Richard III.

Professeur.– Qu’à cela ne tienne, vous pouvez monter des spectacles dans l’hôpital, comme Sade. Je vous ferai prêter quelques malades de Sainte-Anne pour vous donner un coup de main. Inutile de vous dire à quel point je vous serais reconnaissant si je pouvais obtenir un petit rôle, cher maître, même de hallebardier ! (p. 26)

Ce même jour, un jeune journaliste nommé Gianmarco ou Jean-Marc, qui ne pose jamais de questions, apparaît également. Et, le dernier visiteur à arriver, le plus important et celui qui va dynamiser toute l’intrigue dès son arrivée, est Regina Morti. Il s’agit d’une chanteuse d’opéra italienne fauchée qui personnifie la Reine des Morts, qui subit une greffe de cerveau en silicone et qui dit être amoureuse de Cyrille : « O mon amour, quand est-ce que nous allons consommer notre mariage ? » (p. 50). La chambre d’hôpital se transforme ainsi en un petit espace où tout peut se passer, car rien n’est ce qu’il semble être : l’étrange relation entre Cyrille et Hubert où se cache un secret lié à l’identité, l’homosexualité, l’inceste et la paternité confuse de Gianmarco (p. 63) ; la fausse identité de Gianmarco qui se fait passer pour un journaliste ; la relation extraconjugale que l’Infirmière entretient avec le Professeur et, enfin, les intentions maniaques de Regina Morti à l’égard de Cyrille, lorsqu’elle passe de l’amour à la vengeance (pp. 57-58).

La pièce se termine par la mort de Regina Morti et de Cyrille. Se sentant trahie et humiliée par Cyrille, parce qu’il préfère être dans les bras d’Hubert et parce qu’il utilise son manteau pour jouer le dernier rôle de travesti, la Reine des Morts se suicide en se poignardant avec un couteau à rosbif. Cyrille, quant à lui, meurt dans les bras de son ami Hubert.


4. Copi-Cyrille : une autobiographie théâtrale de la maladie et de la mort

Dans l’entrée « Théâtre autobiographique » du Dictionnaire du théâtre. Dramaturgie, esthétique, sémiologie de Patrice Pavis, on précise que l’acteur autobiographique ne représente pas seulement un cœur nu, il est également un narrateur, un embellisseur, un « exhibitionniste » qui travaille sa matière tout comme l’écrivain le fait avec les mots (Pavis, 1998, p. 438). S’il est convenu que le théâtre autobiographique ou autofictionnel nous renvoie à un spectacle unipersonnel où l’auteur devient l’acteur qui parle de lui-même, Une visite inopportune de Copi s’inscrit parfaitement dans les trois « formes d’autobiographie scénique » auxquelles Pavis fait allusion : d’abord, pour l’intérêt théâtral lorsque l’auteur-acteur utilise l’espace scénique pour raconter les événements réels de sa vie ; ensuite, pour l’intérêt testimonial ou l’aveu sur sa maladie et sa sexualité, car le fait de savoir que l’acteur est séropositif et qu’il joue les derniers moments de sa vie confère à l’aveu une vérité poignante qui crée un vrai malaise chez le spectateur et, finalement, pour l’intérêt identitaire à travers le « jeu avec l’identité » où le théâtre autobiographique devient, dans ce cas concret, une recherche en acte sur l’identité sexuelle, sociale ou culturelle (Pavis, 1998, pp. 438-439).

Ainsi, dans cette pièce de Copi, le recours à l’autobiographie tend à généraliser un sujet qui nous concerne tous, comme l’identité et la sexualité et, en même temps, à « universaliser » une maladie mortelle capable de modifier notre vie sociale et notre façon de penser. Tout d’abord, le théâtre se situe dans le théâtre, comme une sorte de mise en abyme, car la structure interne de la pièce reproduit le sujet du jeu théâtral, de manière à ce que le lien entre les deux structures devienne analogique, voire parodique (Pavis, 1998, p. 295). Les traits que Cyrille reproduit de Copi sont divers : l’utilisation du pseudonyme (« Faites de mon nom ce que vous voulez, de toute façon c’est un pseudonyme », p. 67) ; le goût pour les arts du spectacle et le travestissement ou la mise en scène de son état d’agonie dans un hôpital parisien à cause du sida.

La manière dont Cyrille annonce sa mort est très subtile, car les autres personnages ne se rendent pas compte que tous les éléments apparaissent progressivement pour créer le moment d’apothéose finale sous l’apparence d’un suicide organisé, ce que Rosenzvaig qualifie de « fictionalité » de l’adieu (Rosenzvaig, 2009, p. 41). En effet, les personnages ont un rôle à jouer dans la pièce, mais aucun d’entre eux n’est certain du rôle qu’il joue : Regina Morti dit, par exemple : « Dans quel théâtre sommes-nous ? » (p. 57), ou Cyrille, lorsqu’il pense avoir oublié son propre texte, affirme : « Je ne sais plus où j’en suis. Soufflez-moi le texte » (p. 68). Sa stratégie de la confusion consiste à faire croire qu’il est un grand metteur en scène, mais aussi un comédien capable de se travestir ou même de jouer Hamlet. La présence de Cyrille sur scène est si forte qu’elle génère en elle-même une admiration « sublime », ressentie et exprimée par le Professeur : « Maître, quelle fin sublime », par l’Infirmière : « Mon Dieu, quel comédien sublime ! » (p. 68) ou par le Journaliste : «Sublime, Monsieur » (p. 43) lorsque Cyrille met fin au rôle improvisé de Hamlet d’une manière comique.

Cette illusion de jouer avec la mort nous suggère une double mort du personnage : d’une part, celle du personnage de Hamlet (représentation de la mort sur scène) et, d’autre part, cette mort « surréaliste » de Cyrille à cause d’un arrêt cardiaque à la fin de la pièce qui évoque celle de Copi : « Cyrille, votre cœur » (p. 73). Sous le pseudonyme de Cyrille, ce personnage devient ainsi un autre personnage capable d’inventer et d’improviser une nouvelle vie sur scène, créant, en même temps, une illusion spéculaire (bien que diffuse) de théâtre dans le théâtre et une mise en abyme de sa propre histoire. Cyrille a donc besoin du théâtre pour rappeler ce qu’il est : un maître et un comédien, un admirateur de Shakespeare et de Baudelaire, mais également de Genet et de Lorca, et tout cela afin de dédramatiser sa maladie à l’aide d’un humour caustique qui lui permette, ne serait-ce que le temps de la pièce, de dépouiller le sida de sa valeur d’horreur et de peur.

Hubert.– Paris n’est plus la capitale d’autrefois [...] D’ailleurs, il n’y a plus de spectacles. Et s’il en reste, ce n’est plus un endroit de rencontre pour la gent galante du troisième sexe [...] Vous avez la chance d’avoir le sida, au moins ici vous ne courez aucun risque. (p. 13)

En ce qui concerne le sida et la mort, ils correspondent aux personnages actantiels personnifiés par Regina Morti. La « visite » indésirable est la maladie, qui annonce à son tour le long voyage vers l’éternité à travers la mort. Regina Morti dit : « Je vous attends dans l’au-delà pour la grande finale » (p. 73). Néanmoins, Cyrille n’a pas peur de la mort, la seule chose qui l’inquiète est de vivre piégé dans ses souvenirs : « Et moi, je suis toujours vivant ! Je n’ai pas peur de mourir, mais de vivre toujours coincé dans mes souvenirs ! Si la vie éternelle c’est ça, il y a longtemps que j’en cherche la sortie » (p.42-43).

Professeur.– Dans la réalité, vous devriez être mort.

Cyrille.– Je devrais être mort ?

Professeur.– Vous vous êtes survécu d’au moins six mois.

Cyrille.– Vous êtes sûr ? (p. 28)

La maladie et la mort sont toutes deux absorbées par la mémoire dans une dimension atemporelle, puisque la volonté (et la crainte) de Cyrille n’est pas tant de vivre dans le présent, c’est-à-dire dans le temps de la maladie et de l’agonie, que de vivre dans l’éternité en se souvenant des événements du passé.

Alfredo Arias, compatriote et ami de Copi, le premier à mettre en scène Eva Peron en 1970, dont le personnage central, Evita, est lui aussi victime d’une maladie mortelle, en l’occurrence un « cancer de la matrice », affirme que : « le travestissement projette les personnages dans le vertige du pouvoir et de la mort » (Arias, 2008, p. 142). En effet, entre le pouvoir et la mort, Copi va créer son propre « théâtre de la maladie » (Rosenzvaig, 2009) où la mort est transformée en spectacle par le biais du déguisement.

Le travestissement était l’une des ressources que Copi utilisait magistralement pour subvertir à volonté les rôles de genre et pour imiter, voire parodier, les mythes religieux et politiques. Cependant, dans le cas d’Une visite inopportune, nous sommes confrontés à deux concepts considérés traditionnellement comme « obscènes » : la maladie et la mort. Le sida, étant une maladie mortelle, précède la mort elle-même, l’un des thèmes les plus fréquemment abordés dans l’histoire du théâtre. Néanmoins, cet élément négatif peut avoir une lecture positive : la mort comme phénomène biologique et abstrait qui est personnifié, faisant ainsi appel à tout un imaginaire collectif riche en croyances, mythes et légendes (fantômes, spectres, cadavres, personnages dédoublés, etc.) ou encore interpellant toute une société pour lui faire prendre conscience d’une situation réelle et universelle, comme les ravages que le sida provoque sur le corps.

En général, la mort entraîne deux types de représentation ; d’une part, la représentation figurative, comme l’exemple du spectre du roi assassiné de Hamlet de William Shakespeare, un spectre que James Joyce reprend dans Ulysse : « Hamlet, je suis le spectre de ton père condamné à errer dans ce monde » (Joyce, 1983, p.269) ; et, d’autre part, la représentation abstraite, où la mort peut être symbolique, puisque toute une série de références et de métaphores renforcent son omniprésence (le théâtre de Maurice Maeterlinck en est un exemple). Elle peut également être représentée par le biais d’une situation particulière que les personnages subissent, comme c’est le cas des personnages sartriens dans Huis clos. Nous pouvons assister aussi à un processus de mort et d’agonie d’un personnage, comme dans Le Roi se meurt d’Eugène Ionesco. Ainsi, le théâtre intègre la mort comme un élément essentiel et une réflexion quasi philosophique, des éléments que l’on retrouve aisément dans les pièces de Jean Genet ou de Federico García Lorca.

Dans Une visite inopportune, nous assistons à une importante présence de l’intertextualité. En effet, nous y trouvons des références directes à Shakespeare et à Hamlet (pp. 32, 43, 61, 67, 68), à Cocteau (p. 42), au « spleen » baudelairien (p. 43), à Genet (p. 64), et à Lorca (p. 72). Néanmoins, Copi apporte un élément nouveau au traitement de la mort au théâtre qui passe par l’inclusion de la dérision et la tendance au comique grinçant. C’est-à-dire une posture différente et radicale qui entraîne la ridiculisation de toutes les figures traditionnelles de la mort.

Cyrille.– Cette ambiance d’hôpital où tout rappelle la mort ! Cette horrible femme fascinée par ma mort ! Moi-même l’attendant... Vous ne savez pas que la mort se trouve dans cette pièce ? (p. 53)

Ainsi, Copi manipule la mort sans scrupules et joue avec elle à sa guise : il la personnifie, la déguise, lui donne la forme d’une femme grotesque, lui accorde une (fausse) voix de chanteuse d’opéra qui parle en italien, l’animalise sous l’appétit vorace d’un python (p. 25), la cannibalise : « Quando tu sarai morto, io mangero il tuo cuore » (p. 46), la caricature et la rend vulnérable aux yeux du spectateur.

5. « Quelle maladie sublime » : stratégies de dérision et de subversion

Infirmière.– Je le savais que tu voulais te tirer en Afrique avec la chanteuse d’opéra ! Salaud ! Je t’ai vu la violer sur la table d’opérations !

Professeur.– Madame Bongo, vous faites une erreur de jugement. Cette dame est mon œuvre, ma créature. (p. 59)

Les termes « opéra » et « opération », ainsi que « maladie », « malade », « mort », « meurtre », « mourir » ou « morgue » confèrent une certaine musicalité au texte par la répétition de certains sons créant un jeu de mots qui laisse entrevoir le ton ironique et le caractère burlesque avec lequel Copi transgresse et ridiculise la maladie et la mort. En effet, lors de cette dernière « visite », Copi a déployé tout son art théâtral. Il s’agit d’un style particulier déjà présent dans son œuvre qu’il a enrichie de son humour extravagant et de son ironie particuliers grâce à la diversité terminologique utilisée et à l’abondance de figures de style autour de la mort.

D’un côté, l’espace (l’hôpital) et la maladie (le sida) : « cette ambiance d’hôpital où tout rappelle la mort » (p. 53), préfigurent la mort par l’idée d’une fin inévitablement proche (« hôpital », « robe de chambre », « contagieux », « maladie », « malade », « sida », « sidatiques ») et s’accélère par l’utilisation d’un langage médical et la description de traitements qui annoncent l’évolution de la maladie : « pique », « perfusion », « interféron », « suramine », « pilules », « morphine ».

Professeur.– Qu’est-ce que vous prenez, là ?

Cyrille.– Un litre de suramine, comme toutes les semaines, et un milliard d’unités d’interféron par mois, sans compter le quotidien. (p. 28)

Ensuite, l’omniprésence du champ sémantique de la « mort » nous rappelle constamment son pouvoir scénique, à travers différentes formes verbales (« mourir », « tuer ») ou la dernière phrase de la pièce : « J’avais oublié que vous étiez mort ! » (p. 73). L’utilisation de substantifs ou des expressions liés à des espaces ou des rituels de mort accentue cette impression : « Regina Morti », « Père-Lachaise », « Le Royaume des morts » ; et des noms communs tels que « cimetière », « mausolée », « nécrophile », « obsèques », « enterrement », « deuil », « mémoires », « héritage », « couronne de fleurs », « suicides », « l’au-delà ».

En ce qui concerne les figures de style qui contribuent à créer un langage « poétique » en contraste avec le ton burlesque, nous trouvons des euphémismes qui adoucissent la dureté des faits. Par exemple, les mots de Regina envers Cyrille quand elle dit : « Au lieu de vous quitter, je préfère mettre fin à mes jours en votre présence » (p. 24), ou encore quand Cyrille réplique : « Vous voyez comment je suis traité ici, ma chère Regina ! Et dire que cette femme sans cœur qui va cueillir mon dernier soupir » (pp. 21-22) ; des périphrases qui illustrent et qualifient la mort lorsque Regina Morti parle comme dans une tragédie classique : « abîme profond » ou « enfer d’ombres » (p. 24) ; des anaphores qui révèlent l’angoisse de Cyrille et son insistance répétitive sur le désir de mourir : « Quand est-ce que je vais sortir d’ici » ; « Quand est-ce que je vais mourir » ; « Quand est-ce que je vais mourir » (pp.27 et 28) ; des hyperboles qui annoncent grossièrement la mort : « Vous allez exploser » ou « Je n’ai pas l’habitude de faire exploser mes auditeurs » (p. 21) ; et des métaphores qui dessinent la mort comme quelque chose d’incertain, de sombre ou de ténébreux : « Je vais essayer de me faufiler dans l’au-delà par l’un de ces trous noirs » (p. 62 ), ou comme un spectre qui peut entrer et sortir en scène à sa guise : « Et je n’ai rien à me mettre pour sortir d’ici » (p. 37) ; « Quand je quittais la scène... » (p. 52) ; ou « Mais je suis en train d’en sortir » (p. 68).

En ce qui concerne le langage « médical » auquel nous avons déjà fait allusion, son utilisation nous rapproche de la satire mordante de la médecine dans Le Malade imaginaire de Molière, avec sa dérision des médecins prétentieux qui ne font que cacher leur ignorance. Copi était conscient que la relation entre le médecin, l’infirmière et le malade s’était « dépersonnalisée » et s’était transformée en quelque chose d’« anonyme » et que, en revanche, la relation entre la « maladie » et l’« institution médicale » s’était intensifiée (Perlongher, 1988, p. 73). Ainsi, parce qu’il a précisément appris à parler « la langue de Molière » (Barbéris, 2007, p. 22), l’auteur ne présente pas seulement son Infirmière et son médecin comme deux sortes de bouffons au milieu d’un arsenal médical sophistiqué, il va se moquer également de lui-même, de son état d’agonie et de sa fin tragique.

Copi a réussi à se libérer des superstitions universelles autour de la maladie et de la mort et a su pénétrer dans le domaine de l’humour théâtral au point de le maîtriser, de le perfectionner et de donner une touche d’originalité à son œuvre. En effet, Une visite inopportune aborde le thème de la mort et favorise l’évocation d’images du sida, renforçant le sens comique, voire burlesque, avec lequel Copi libère la maladie de la stigmatisation qui la caractérise. C’est ainsi que l’auteur se moque de la mort au point de désacraliser ce mythe universel, mais il s’éloigne aussi de la tradition théâtrale dont les composantes fondamentales reposent sur le tragique. En effet, le caractère subversif et le ton ironique avec lequel Copi parle du sida, de cette « maladie sublime », nous éloigne de la tragédie pour nous situer dans le terrain ambigu de la tragicomédie, de la farce noire ou de la « comédie de la mort » (p. 65).

Cet humour particulier, lié à une voix presque poétique de la mort, nous invite à penser, comme l’affirme Amícola, à un « humour homosexuel », où s’imbrique une espèce de sensibilité camp, afin de montrer le pouvoir de l’artifice comme jeu avec la représentation et l’imitation (Amícola, 2000, p. 86). C’est ainsi que Copi se vaut de cet humour « macabre » pour s’exhiber sans souci dans sa dernière pièce et réussit sans aucun doute à dédramatiser la gravité du sujet du sida. Cet artifice lui permet de se distancier de sa propre agonie et de préparer son spectacle de la mort. Dès lors, la maladie mortelle, personnifiée en Regina Morti, devient un autre outil théâtral qu’il faut aborder et mettre en scène. Ainsi, le dramaturge se permet de « jouer » sa maladie et sa propre tragédie de la mort et il recourt à l’autodérision à travers la voix de Cyrille : « J’ai le sida » (p. 22) ; « Je vais mourir » (p. 27) ; ce qui lui permet de créer « un vrai coup de théâtre » (p. 47).

L’humour « noir » de Copi, ou plutôt, d’après Barège, « l’humour noir latino » (Barège, 2013, p. 159) s’acharne contre la mort et la prend comme objet de dérision pour la désacraliser, la caricaturer et même l’utiliser comme prétexte pour imaginer une sorte de carnaval macabre autour de sa propre mort. Copi déstabilise ainsi les croyances qui tournent autour de l’horreur de la maladie et de la mort.

Nous constatons donc que l’espoir de survivre au sida n’a pas de place dans l’esprit de Cyrille ; bien au contraire, il joue constamment avec l’anticipation de sa propre mort : « Je ne voulais pas vous le dire, mais vous êtes déjà le titulaire d’un mausolée au Père-Lachaise. Je me suis permis ce cadeau posthume, maître » (p. 14) ; « Tenez ce kleenex, j’y ai griffonné quelques phrases posthumes » (p. 63), ou encore « Cher professeur, il me reste à vous remercier pour cette fiancée posthume. C’est le cadeau d’anniversaire le plus original que j’ai reçu » (p. 66).

Le terme « posthume » nous permet de découvrir que Cyrille est pleinement conscient de sa mort et sait avec certitude que sa vie s’approche de la fin fatidique. À cette conscience de la mort s’ajoute la folie macabre de Regina Morti, qui apparaît comme une chanteuse obsédée par la mort de Cyrille : « Je ferai composer une cantata pour la chanter le jour de vos obsèques » (p. 22). Regina Morti pense être au milieu d’un grand spectacle à l’opéra, mais son récital ne fait que dynamiser la scène de l’hôpital. Ainsi, même si Cyrille est un malade comme les autres, derrière sa façon burlesque d’affronter la mort se cache un fin voile d’espoir ou plutôt un monde de « micro-espoirs » (Aira, 1991, p. 103) : « À part moi, il doit bien rester quelqu’un de vivant parmi vos connaissances » (p. 40). D’après, Diane Godin, cette manière particulière de gérer la mise en scène de la maladie et de la mort n’est pas bien acceptée pour certains qui se ferment à « tout plaisir » et refusent « le cadeau de Copi » :

Refus compréhensible et légitime, sans doute, pour qui l’horreur du sida ne laisse place à aucune forme de dérision. Pourtant, c’est bel et bien un cadeau que nous a laissé Copi. Seul avec son sida, il a signé l’une de ses pièces les plus fortes, et ce qu’il nous dit de la mort, c’est qu’elle n’est toujours, en somme, qu’un spectacle solo auquel les vivants ne peuvent qu’assister, impuissants. (Godin, 1999, p. 168)

6. Conclusion : « Quelle merveilleuse fin pour un vrai artiste ! »

« ‘Le Copi que nous entrevoyons aujourd’hui est de plus en plus subtil et furtif. Son image devient de plus en plus liminale et fragile » affirme Barbéris (2014, p. 13). En effet, Copi nous montre, du début à la fin d’Une visite inopportune, la fragilité avec laquelle son alter ego, Cyrille, fait face à l’agonie du sida dans un contexte hospitalier : « votre cœur est fragile » (p. 18). L’angoisse de la mort est sublimée par un jeu complexe et subversif de mise en abyme, de travestissement et d’humour noir. Comme le disait son ami Guy Hocquenghem à la même époque : « peut-être mourrai-je d’une maladie inconnue, intestat scientifiquement, en quelque sorte, ne laissant à la postérité qu’un grand point d’interrogation planté dans mes entrailles » (Hocquenghem, 1987, p. 272). En effet, comme le dit Lebovici (2019, p. 11), au-delà de la douleur, de la peur et de la mort, l’irruption du sida dans les années 1980 a provoqué une « épidémie de sens » qui nous interpelle encore aujourd’hui.

Copi continue de nous interpeler tout particulièrement en tant que spectateurs « néophytes » qui assistons à sa « comédie de la mort », comme nous le rappelle Cyrille lorsqu’il dit : « Vous êtes le seul néophyte dans cette comédie de la mort et notre dernier spectateur » (p. 65). Copi était conscient que son théâtre assurerait l’immortalité de ses « mémoires » (p. 63), tout comme la pérennité de son art et de sa pensée subversive. Son humour est, comme le dit Lavelli, « sanglant » et la mort y est « traitée comme une figure théâtrale » (Lavelli, 1988, p. 85). N’oublions pas que Cyrille-Copi n’a pas peur de la mort, mais de l’oubli.

Actuellement, Une visite inopportune est toujours représentée[17] et sa mise en scène reste nécessaire pour tenter de combler le gouffre profond que le « sida et ses métaphores » ont creusé dans les années 1980 et pour libérer la maladie du stigmate qui perdure. Dans cette pièce, « la dérision du réel atteint son paroxysme » (Lavelli, 1988, p. 85), une autodérision libératrice, même s’il s’agit d’un espace instable et troublant où il n’y a pas trop d’espoir. Il s’agit d’une œuvre qui s’inscrit aisément dans le théâtre autobiographique lié à la maladie où nous trouvons les leitmotive auxquels Pujante González fait référence quand il résume les caractéristiques de l’écriture autobiographique des premières années sida : « l’aspect médical » et la relation qui s’établit entre les personnages et la maladie ; les histoires « presque ontologiques sur la mort et la condition humaine », où la dimension temporelle et l’espace ont une place capitale dans les récits et les intrigues ; « l’écriture comme besoin » qui rend compte de la dégradation du corps et de la mort ; et, finalement, « la sexualité et les relations amoureuses » conditionnées par ce nouveau contexte hostile (Pujante González, 2010, pp. 26-27).

En effet, Copi s’est bien imprégné de sa réalité en mettant en scène d’une manière osée et irrévérencieuse sa maladie et son déclin. Cyrille fonctionne donc comme une sorte de catharsis pour Copi. Le dramaturge se retrouve ainsi immergé dans un nouvel univers marqué par une réalité pandémique catastrophique sans renoncer pour autant à la distance du spectacle burlesque qu’il utilise comme exutoire. Cyrille sera alors le personnage qui l’inspire et le stimule pour écrire et représenter, avec « illusion », la terreur du sida, alors qu’il n’est qu’un malade de plus alité dans un hôpital. Ainsi, l’auteur met en scène sa propre mort de manière humoristique pour défier la mort et sublimer, en quelque sorte, sa souffrance. Alfredo Arias affirme que lorsque Copi est tombé malade, il a été l’un des premiers auteurs à être diagnostiqué et aussi un auteur qui a dû subir : « tous les chocs de la découverte de cette maladie, tant sur le plan médical que social ou, tout simplement, humain. Il ne s’est jamais dérobé et a continué à faire face à sa maladie avec le même humour » (Arias, 2008, p. 163). Copi aurait pu faire passer sous silence sa maladie (et sa souffrance), mais il a préféré l’extérioriser avec une forte dose d’humour noir afin de rester fidèle à sa personnalité et de réduire, d’une certaine façon, les significations stigmatisantes que le sida a engendrées ; et il l’a fait d’une manière originale et engagée en se moquant de sa propre condition de patient « sidatique » (p. 58). En effet, Copi nous invite à « son anniversaire du sida », cette fête des adieux, mais également à participer, d’une manière joyeuse et loufoque, à son monde tragi-comique, fantaisiste et hyperbolique. Cette décision fait de lui le premier dramaturge en France (et presque dans le monde) à montrer le sida sur scène, le premier à nous proposer un théâtre unique du sida.

Cyrille.– Je ne peux pas vous épouser, ma chère Regina. J’ai le sida.

Regina.– Quelle maladie sublime ! Quelle apothéose que celle de succomber terrassé sous le poids de tant d’aventures scandaleuses ! Quelle merveilleuse fin pour un vrai artiste ! Et quel destin pour une veuve ! (p. 22)

 

Références bibliographiques


Notes

[1] Toutes les autres citations d’Une visite inopportune (1988) seront référencées comme suit : (p. #). La date d’écriture de la pièce serait 1987.

[2] Il convient de noter que Le Gai Pied était, à cette époque et dans ce contexte (1981-1985), l’hebdomadaire le plus soucieux de diffuser l’évolution de l’épidémie et de faire le lien entre les premières luttes homosexuelles contre le sida, mais aussi contre la société homophobe qui désignait les homosexuels comme porteurs et transmetteurs de la maladie et perturbateurs de la société.

[3] Susan Sontag a écrit Illness as Metaphor en 1978, alors que le sida était encore inconnu. Mais une décennie plus tard, alors que le sida se propageait sans limites et que de véritables mouvements militants tels qu’Act Up-Paris voyaient le jour, l’auteure a procédé à une révision approfondie de cet essai en l’élargissant et en l’intitulant AIDS and Its Metaphors (1988).

[4] Traduit de « Vaincre le Sida » (VLS) ; la première association française de lutte contre le sida créée en 1983.

[5] Lire le sous-chapitre : « La construction du lien homosexualité-sida » de l’essai Folles de France ; repenser l’homosexualité masculine (2008) de Jean-Yves Le Talec. L’auteur fait référence à la « promiscuité, fréquence des infections sexuellement transmissibles [IST], usage des drogues… » (Le Talec, 2008, p. 242).

[6] Les recherches de Néstor Perlongher ont non seulement porté sur le phénomène du sida au Brésil et en Argentine, mais elles ont également donné une conception universelle de la maladie : les caractéristiques de l’épidémie, les modes de contagion, les peurs que le sida déclenche, la stigmatisation sociale générée et l’agonie des corps souffrants, entre autres aspects.

[7] Voir à ce sujet l’interview de Daniel Defert réalisée par Éric Favereau intitulée « Foucault. Les derniers jours » et publiée dans Libération le 19 juin 2004 : https://www.liberation.fr/livres/2004/06/19/les-derniers-jours_483626/

[8] Pujante González fait référence au roman autobiographique Le Fil (1994) de Christophe Bourdin.

[9] Cyril Collard est mort des suites du sida en 1993 à l’âge de 35 ans. Son roman autobiographique Les nuits fauves (1989) reste presque oublié, malgré l’existence de la fondation qui porte son nom, créée par ses parents en 1995 pour informer, former et aider les personnes atteintes du VIH/Sida.

[10] Les curieux poulets que Copi dessinait depuis son enfance sont repris dans son célèbre album Les poulets n’ont pas de chaise (1966), album pour lequel il reçoit la même année le Grand Prix de l’Humour Noir Grandville.

[11] La famille de Copi est retournée à Buenos Aires en 1955 et a fondé le journal anti-péroniste Tribuna Popular. Entre 1955 y 1962, il commence à publier ses premiers dessins non seulement dans le journal familial, mais aussi dans les revues satiriques Tía Vicenta et 4 Patas, où il a fait apparaître sa caricature la plus remarquable et la plus radicale à Buenos Aires : Gastón el Perro Oligarca.

[12] L’étape de Copi acteur n’est pas moins importante. Copi a non seulement personnifié et joué certains de ses personnages de théâtre (Les quatre jumelles, Loretta Strong, Le frigo, etc.), mais il a également joué dans quelques films tels que Le boucher, la star et l’orpheline (1973) et Race d’Ep (1979) ; il a même été choisi par la société Perrier pour réaliser un court métrage publicitaire avec le slogan Perrier, C’est fou ! à la fin de 1970.

[13] Liberett’ est une caricature d’une personne transsexuelle publiée dans Libération durant l’été 1979 et censurée pour son caractère désinhibé à jouer avec sa sexualité. Ce personnage a été repris ultérieurement dans l’album Le monde fantastique des gays (1986) chez Christian Bourgois.

[14] L’écrivain argentin César Fernández Moreno a écrit à propos de ce sujet dans la revue Periscopio. Voir en ligne : http://www.magicasruinas.com.ar/revistero/argentina/teatro-evita-segun-copi.htm

[15] Pour plus d’information : Vásquez Sáenz, H. (2020). Le théâtre de Copi : processus et stratégies trans. Une approche queer [Thèse de Doctorat, Université de Valence / Université de Strasbourg]. Banque de données. http://www.sudoc.abes.fr/cbs//DB=2.1/CMD?ACT=SRCHA&IKT=1016&SRT=RLV&TRM=henry+ferney+vasquez+saenz

[16] D’après Germán Garrido dans son article : « ‘Una comedia de la muerte’: Copi y sus profanaciones del sida » (2019). Voir en ligne : https://revistas.ucr.ac.cr/index.php/escena/article/view/35594/36183

[17] Après avoir été écrite en 1987, Une visite inopportune a été représentée, pour la première fois, au Petit Théâtre National de la Colline à Paris, le 16 février 1988, deux mois après la mort de Copi. Elle a été mise en scène par Jorge Lavelli, en collaboration avec Dominique Poulange. Louis Bercut était responsable des décors et des costumes, et les acteurs étaient Michel Duchaussoy (Cyrille), Catherine Hiégel (Infirmière), Jean-Claude Jay (Hubert), Philippe Joiris (Journaliste), Judith Magre (Regina Morti) et Jean-Luc Moreau (Professeur Vertudeau).


Henry Ferney Vásquez Sáenz. Licence en Langues Modernes et leurs Littératures –Français-Espagnol– (2013). Master en Traduction Créative et Humanistique –Français– (2014) à l’Université de Valencia. Lecteur-chercheur à l’Université de Strasbourg (2014-2016). Contrat pré-doctoral (Chercheur en formation) à l’Université de Valencia (2016-2019). Doctorat en régime de cotutelle internationale : à l’Université de Valencia : Doctorat en Lenguas, Literaturas y Culturas y sus Aplicaciones, et à l’Université de Strasbourg : Doctorat en Études Ibériques et Latino-américaines (2020). Séjours de recherche à la Sorbonne Université (2017 et 2018). Actuellement, enseignant à l’Université de Cadix.