sur la piste cyclable, papa regarde-moi !, chuter en bmx, essuyer mes mains incrustées de pierres pointues. ici, dans les souvenirs de mon premier quartier d’enfance, les édifices côtoient des bidonvilles en carton. j’emprunte des trajets interminables vers le centre-ville de montevideo, et je hume l’odeur des aliments que personne ne peut m’offrir. nous sommes pauvres en garrapiñadas, bizcochos, merengues et panchos. mon ventre fait de l’écho. la musique des machines à sous résonne sur le comptoir du dépanneur. j’entends les cris de la mère de ma mère battue par son amant alcoolique, les coups de poings sur le mur mitoyen de ma chambre, les rats qui se promènent sur mon oreiller. je me réveille souvent en sursaut, les vidanges brûlées devant la porte, le plafond en plastique. je souffre de problèmes respiratoires portant le nom de la nature qui foisonne.
j’ai appris à lire la nuit, égarée dans l’encyclopédie des fleurs.
montevideo, años 90, villa española, calles de pedregullo, casa sin árboles. vecinas tóxicas, gritos y murmullos. las venas abiertas de mi tía enferma, la basura acumulada, el humo, las ratas, la hija milica de la loca de al lado, la vieja yazira, sus amantes violentos, los llantos, las piñas y las puertas agujereadas de los roperos, el cielorraso de plástico recubriendo el techo de mi cuarto, los libros con flores ilustradas, los abrazos, las lecturas, las vegetaciones, los accidentes de tránsito, las muertes sin crónicas anunciadas, los rostros transformados por el cansancio y el silencio.
y dos o tres cosas más que no desvelaré.
voisinage hanté. soir d’automne, je marche dehors. je m’arrête là où je vois de la lumière. je sonne. un homme ouvre sa porte et me dévisage avec mépris : tu diras à ta mère que c’est interdit de faire travailler des enfants et que c’est insalubre de vendre des parts de gâteau en faisant du porte-à-porte. il n’avait qu’à rien m’acheter. il n’avait qu’à garder le silence.
la nuit, les voleurs craignent les coups de feu du calibre 38 de mon père, revolver argenté, froid et lourd que j’ai déjà serré entre mes mains.
ombú, barrio con nombre de árbol, la casa de mi padre cuando aún era un niño. la mía, también, veinte años más tarde. la vecina italiana que nos ofreció pan duro el día de nuestra mudanza, la vecina rica que le dio trabajo a mi madre. sus lágrimas de señora amargada, su marido bandido con amante joven, el arma apuntando una garganta temblorosa. las metáforas. las mentiras encubriendo imperios de pacotilla. las apariencias no engañan a las niñas enfermas. tres meses en cama con el hígado cansado. probé todas las galletitas de agua y los dulces de membrillo del almacén de don carmelo. la enfermera entraba a mi cuarto una vez por semana para sacarme sangre.
ahora de grande, no le temo a las agujas. conozco el dolor que procuran y sé que puedo resistirlo.
camino maldonado, avenue aux voitures inquiètes. j’emprunte, chaque matin, le parcours à obstacles séparant ma maison de mon école secondaire. mes chaussures aux semelles fatiguées évitent les petites roches et les flaques d’eau. mon amour malade au cœur agité. sa tuberculose de fin de siècle, les premières lectures des contes de garcía márquez. ma boulimie pauvre. mes jambes poilues. mes traumas d’adolescente. l’infestation de coquerelles dans ma chambre. les journées humides d’automne, les limaces se tortillent dans du sel de mer.
pour rendre visite aux parents de mon père, nous traversons une zone piégée, je me recroqueville sous le siège de la voiture, évite les projectiles lancés par des voyous qui tentent de nous voler.
camino maldonado, avenida con automóviles alborotados. en el trayecto que separa mi casa de mi colegio evito los charcos y las piedras. cuido mis zapatos de gamuza con suela cansada. disimulo la tristeza. de un primer amor enfermo. tuberculosis de fin de siglo. garcía márquez y la lectura de sus primeros cuentos. escondo una bulimia pobre. acumulo traumas, bigote, uniceja y piernas peludas.
miles de cucarachas invaden mi cuarto. los días de lluvia, las babosas se retuercen en sal gruesa. pero no me quejo. vivo en una casa con hermoso patio y jardín.
montréal en plein été. la plaza st-hubert brille avec ses commerces protégés par des toits en tôle verte. ma voisine salvadorienne achète une robe de bal à 650$. tissu noir, tulles transparentes aux broderies argentées et aux motifs abstraits incrustés de cristaux. maquillage et coiffure dans un salon de beauté latino. elle transitionne de jeune fille de 16 ans en femme mûre en un clin d’œil.
moi, grosse aux cheveux courts, je la regarde partir en limousine et je pense : je n’ai pas beaucoup de temps pour avoir l’air d’autre chose d’ici un an.
thérapie alimentaire. anxiété contrôlée. robe satinée bleue achetée dans une boutique seconde main. coiffure ostentatoire, esthétique années soixante-dix, sprinette dans mes cheveux.
si je ferme les yeux, je ressens le parfum artificiel de mon bal de finissants.
montréal, años 2000, la plaza st-hubert brilla con sus comercios protegidos por techos de lona verde. mi vecina salvadoreña se compra un vestido de 650$. tules bordados con flores plateadas e incrustaciones de cristales. delante del espejo, pasa de ser una joven de 16 años a señora adulta en un abrir y cerrar de ojos.
yo, gorda y con pelo corto, la miro irse en limusina y pienso: no me queda tiempo para parecerme a otra cosa de aquí a un año.
terapia alimenticia. ansiedad controlada. vestido celeste satinado comprado en una tienda de segunda mano. peinado sesentoso improvisado con exceso de fijador en aerosol.
veinte años más tarde, cierro los ojos y vuelvo a sentir el perfume artificial de mi baile de egresados.
y no me invade ninguna nostalgia.