Les Cités Obscures : le format comme stimulus créatif et renforcement de la fiction

Résumé

Depuis sa parution l’année 1983, Les Cités Obscures, de Schuiten et Peeters, est devenue l’une des séries les plus stimulantes de la bande dessinée européenne contemporaine. Cet article étudie la saga du point de vue de sa matérialité, en analysant la diversité des formats utilisés par ses auteurs, montrant que l’impact du format agit dans deux directions : un format qui conditionne quelquefois le contenu de l’œuvre et un contenu qui parfois détermine le format de la fiction. Schuiten et Peeters montrent que si le support est utilisé habilement, il est possible d’atteindre de nouveaux sommets d’expression. Primo, nous analyserons comment les auteurs ont utilisé les deux supports classiques de la bande dessinée européenne (le magazine et l’album) et comment ils s’y sont adaptés pour proposer différentes versions d’une même œuvre. Secundo, nous étudierons comment la pluralité des formats augmente à mesure que les auteurs gagnent en prestige et peuvent rechercher des propositions plus audacieuses telles que des albums en grand format ou des livres illustrés. Et tertio, nous aborderons comment ce souci du format finit par dépasser le domaine de l’imprimé (support traditionnel de la BD) et se transfère sur d’autres médias, élargissant ainsi le monde des Cités Obscures dans un site d’Internet pionnier dans son temps, un DVD, des conférences, des expositions et même des rénovations architecturales qui intègrent le réel comme porte d’entrée vers l’univers de la fiction, brouillant les frontières entre le réel et l’imaginaire.